Saturday, May 16, 2015

La mémoire de la souffrance

Il existe une étude célèbre sur la transmission d’un traumatisme d’une génération à l’autre. Il s’agit d’une étude sur une population Néerlandaise qui a souffert de la faim durant « l’hiver de la faim» pendant la deuxième guerre mondiale. Cette famine a dévasté une partie de la population. Il s’agissait donc d’une privation externe de nourriture. Les séquelles de cette privation ont été transmises comme un héritage génétique. Une recherche récente a tenté de répondre à la question : « Par quels mécanismes ce traumatisme a t il été enregistre et transmis ? (The memory of starvation is in your genes. Science News. Aug 1, 2014, see for ex: http://www.sciencedaily.com/releases/2014/07/140731145845.htm) Cette étude est très importante car elles concerne ceux d’entre nous qui, bien que n’ayant pas été privés de nourriture, ont été privés d’amour par exemple. Comment ce traumatisme affecte t il les enfants des parents ayant subi ces privations ?

Le mécanisme de transmission pourrait être le même, qu’il s’agisse d’une souffrance due a une famine ou a un manque d’amour. Dès qu’il y a privation d’un besoin de base, surtout au tout début de la vie, ces mécanismes entrent en action. Cette privation envoie un signal afin d’organiser les défenses et de compenser : il faut que le système s’adapte et change le cours de son développement pour pouvoir s’adapter au fléau. Le cerveau commence à « emprunter » des groupes méthyls et produire une méthylation sur les gènes afin de mieux encaisser la souffrance due à la privation. L’équilibre biochimique, à l’aide d’hormones telles que la sérotonine, est également modifié afin d’augmenter la répression de la souffrance.

Un autre mécanisme clé est l’héritage d’ARN. Les molécules d’ARN sont produites par les modèles d’ADN qui préviennent le système que les besoins ne sont pas remplis et qu’il manque quelque chose.
L’alarme est sonnée, le manque enregistré. Il peut se traduire plus tard par des symptômes dont nous n’aurons alors aucune idée de l’origine. C’est ainsi que le système est détourné de son développement normal. Cette adaptation n’est pas temporaire, elle restera marquée organiquement. C’est ainsi que le système mémorise la souffrance, tout comme la souffrance de la famine en Hollande a été mémorisée. Et que préconise-t-on plus tard comme traitement pour l’obésité ? La privation encore. Quel cruauté : cette même privation de « nourriture » pendant notre développement fœtal à cause de circonstances extérieures ou d’une mère qui se met au régime pendant sa grossesse, imprimant ainsi la privation au plus profond de nos cellules, nous rend aussi affamé à vie. Et plus tard, lorsque nous devenons trop gros, nous devons encore subir la privation. Bien sur que nous allons fonctionner suivant notre empreinte : c’est elle qui nous a sauver la vie contre le traumatisme original de l’extrême privation. Un autre exemple : lorsqu’une mère est fortement anesthésiée pendant l’accouchement, les vaisseaux sanguins se contractent et empêchent une bonne circulation. Le bébé manque d’oxygène (hypoxie) et peut souffrir plus tard de migraines chroniques. Et quelle thérapie propose-t-on contre ces migraines : de l’oxygène.
Ces changements nous affectent pour toute la vie, ils déterminent nos maladies et nos comportements futurs.

Nous pouvons penser qu’il s’agit d’un phénomène dû à la génétique parce qu’il s’est produit à un moment où ne pouvions pas voir le fœtus en train de souffrir. Pourtant la source mystérieuse n’est pas dans nos gènes, mais est une réponse épigénétique ; c’est à dire provient de l’interaction entre l’expérience et l’expression des gènes. Nous passons tellement de temps dans notre vie à répondre inconsciemment à cette mémoire, obéissant à ses dictats sans jamais savoir que nous sommes en réalité manipulés par notre histoire et ses empreintes.

Possédons nous un libre arbitre? Pas tant que cet arbitre est guidé par notre histoire. Le phénomène d’empreinte est absolument crucial pour comprendre notre condition humaine. Comment pouvons nous envisager une psychothérapie sans inclure l’empreinte dans l’équation ?

Saturday, May 9, 2015

Une vie aride, stérile


Je vais être un peu égocentrique et utiliser ma vie comme exemple de ce qui peut mal se passer dans une vie. Je me suis toujours demandé comment il était possible qu’un enfant puisse vivre pendant 20 ans avec ses parents et ne jamais être touché, embrassé ou serré dans les bras une seule fois. Même par accident. Comment est-ce possible qu’un parent ne prenne jamais son enfant dans ses bras ? Moi je sais. C’était ma vie. Jamais un mot gentil. Et c’est ce qui m’a conduit à chercher la reconnaissance partout ailleurs et à tout faire pour en obtenir ne serait-ce qu’un peu. Mon père ne pouvait rien exprimer. Ni en bien ni en mal. Son juron préféré était : «What the Sam Hill* ! »  C’est ce qui arrive aux enfants de parents dont les néocortex ne sont pas guidés par le cerveau des sentiments. Aucune pensée n’est issue d’un sentiment, et donc aucun sentiment n’est jamais exprimé. Tout est le fruit du néocortex. Et c’est pourquoi plus tard, on part chez le thérapeute cognitiviste comportementaliste pour comprendre. Et là-bas, on ne trouve pas de solution. Parce que là-bas non plus, personne ne s’occupe des sentiments, des passions. On s’occupe de cerveaux désincarnés qui ne peuvent atteindre le niveau des sentiments parce que des répressions profondes bloquent le passage. Le résultat : des kyrielles de professionnels qui concoctent des théories et des thérapies intellectuelles : « J’ai mon marteau et bon gré mal gré, je vais l’utiliser sur la tête de mes patients, quel que soit leur problème». Des théories qui viennent du haut, qui ne se mêlent pas de ce qui se passe en bas et où les sentiments ne sont pas pris en compte. La théorie et la thérapie restent vides. Et dans ce monde aride et stérile, il y a un père qui un jour a pris mon chien préféré dans sa voiture, l’a abandonné seul dans une rue, et est rentré à la maison.

Donc pourquoi un psy doit il s’intéresser au cerveau profond ? Ah, moi je sais pourquoi. Parce que c’est le tronc cérébral et le cerveau limbique qui guident la plupart de nos comportements. On ne peut pas comprendre la psychologie de l’être humain sans eux. Et comme la plupart des patients choisissent un thérapeute avec qui ils sentent une affinité, l’intellectuel va choisir un érudit ; et l’aide n’arrivera jamais. Le patient rêveur type « laissez faire » choisira un thérapeute ésotérique qui n’aura de thérapeute que le nom. Dans le premier cas, le patient aura droit à des études de cas, des statistiques et des méthodes non scientifiques et dans le deuxième, un Voodoo tout aussi non scientifique où tout est permis. Ce qu’ils n’obtiendront pas c’est la guérison.

Les patients renforcent ainsi leur névrose.

Les patients peuvent être aidés, et ca fait d’ailleurs des années que ca s’appelle « aide », comme si il n’y avait pas espoir de guérison. Il faut avoir accès à ses sentiments pour pouvoir être sensible, pour s’intéresser et s’impliquer, pour être perceptif et judicieux. Et ca s’apprend en faisant une thérapie basée sur les émotions, ou mieux encore, en grandissant dans l’amour.

Je ne dis pas que les psys doivent connaitre la paléontologie ou avoir un diplôme en anthropologie. Non, simplement une connaissance des niveaux de fonctionnement du cerveau. Ne nous laissons pas piéger par une bande étroite de cortex qui peut nous laisser penser que penser est le sine qua non.

Sans être un expert en histoire, on peut imaginer les animaux qui ont vécu il y a plusieurs millions d’années. Un thérapeute doit comprendre le cerveau qui se trouve logé au plus profond et doit reconnaître son influence sur nos pensées, nos réactions, nos sentiments et notre comportement. Il doit être un passionné de science pour comprendre comment l’évolution nous a transporté jusqu'à aujourd’hui. Et par dessus tout, il doit comprendre la notion de résonance :
Il existe une piste neuronal/chimique qui laisse des traces sur nos gènes. Nous devons suivre cette piste pour comprendre comment ces traces ont évolué; pour se rendre compte que nous avons toujours eu un système d’alarme, mais dont nous n’entendons plus le message et ne percevons plus le danger. Ce danger reste séquestré et caché à notre conscience. Notre corps ne peut pour autant éteindre l’alarme, nous laissant anxieux sans que nous puissions comprendre pourquoi. Un état d’anxiété est en réalité un état de terreur. Mais au cours des millénaires, le niveau supérieur s’est tellement distancé du tronc cérébral où se situe la terreur, que même son nom a changé et nous la nommons d’un nom batard; terreur a été rebaptisée anxiété. Mais une rose, même rebaptisée, reste une rose…(« But a rose by any other name… » Shakespeare)

Quel gâchis: Nous restons livrés à nous même sans l’aide dont nous aurions besoin. Supposons que, par hasard, vous choisissiez la thérapie primale. Vous avez vécu en souffrance pendant des années à cause de ce que vos parents ont fait. Le plus souvent cette souffrance est réprimée et vous vivez votre vie. Tout d’abord il faut savoir que de nombreuses thérapies émotionnelles sont conduites par des gens qui n’ont pas vraiment accès à leurs propres émotions. Et leur thérapie n’est pas sérieuse. Une thérapie primale telle que nous la pratiquons inverse l’histoire car ressentir l’histoire la défait. Pour le confirmer, nous allons d’ailleurs embarquer dans une recherche qui démontrera que notre thérapie peut défaire l’histoire en y retournant, nous permettant ainsi de renaitre. Nous allons examiner les traces de méthyl sur nos gènes et observer leur densité et leur vulnérabilité au changement. Nous espérons quantifier ainsi le volume de souffrance et le volume de résolution qu’apporte notre thérapie. Nous défaire de notre souffrance vaut bien les frais d’admission. C’est miraculeux, mais ce n’est pas un miracle.

Ca me semble toujours incroyable de penser que nous avons en nous des structures qui nous viennent de créatures qui existaient il y a des millions d’années.  Et encore plus de constater la puissance de ces forces anciennes qui continuent de nous influencer, qui nous rendent compulsifs ou obsessifs, qui échappent à notre contrôle et commettent des crimes qui reflètent ces époques de rage et de terreur.

Je vais vous donner un exemple tragique. Un de mes collègues aujourd’hui m’a envoyé un article avec des photos de fétus dont les mères fumaient pendant qu’elles étaient enceintes. Elles n’avaient aucune idée du mal qu’elles faisaient à leur bébé. Nous devons éduquer tous les jeunes qui voudraient avoir un bébé un jour : ne prenez rien qui puisse faire du mal à votre bébé, ne buvez pas d’alcool, pas une seule cigarette, pas d’anti douleur ou de tranquillisant. Car son système cervical, sa biologie peut se trouver affecter à vie. Il ne pourra pas s’en remettre.



Ce sont des photos d’échographie de fétus (De l’université de Durham et Lancaster en GB) (http://www.huffingtonpost.com/2015/03/24/smoking-while-pregnant-_n_6930678.html).


Elles parlent d’elles mêmes. Elles montrent comment, à tout moment, ce qu’ingère la mère peut être nocif pour le bébé. Ces échographies, prises à 24 et 36 semaines montrent un mouvement de la bouche plus important que la normale. Les fétus semblent soulever les bras comme pour se protéger, mais en vain. Ils souffrent ! La nicotine de la cigarette de la mère peut changer le système nerveux central du bébé ainsi que certaines fonctions cérébrales. Ces bébés souffrent et commencent leur vie dans la douleur. Cette empreinte de douleur va les changer pour le restant de leur vie. Leur système est défectueux dès le départ. Comment une mère sensible peut elle infliger ca à son enfant ? Et comment un thérapeute peut ignorer ces fenêtres critiques et espérer conduire une psychothérapie efficace ?

*Une expression d’argot qui signifie quelque chose comme “C’est quoi ces conneries?”