Friday, June 12, 2015

Qu'entend-on par "Il est traumatisé"?


Pour nous les psys, ca veut dire que son profil émotionnel est instable ; ses idées et ses perceptions sont faussées. Il est vulnérable.

Mais est - il aussi physiquement vulnérable ? Ou bien est ce limité à l’aspect émotionnel ? Au royaume des psys, ces deux composantes sont irréconciliables. Nous nous contentons de considérer les émotions. Mais les émotions n’ont elles pas des effets sur le physique ? Et même des origines physiques ? Entre les dommages physiques et émotionnels, il y a comme un fossé. C’est pourquoi les médecins passent leur temps à étudier le diabète, la tension artérielle, les migraines et l’asthme et le lien leur échappe toujours. C’est comme si les symptômes apparaissaient de nulle part, n’avaient pas de racines, et étaient traités comme des entités à part. Et on continue à les étudier minutieusement  sans considérer leur origine. Ces recherches ont pour but de contrôler les symptômes, pas de les guérir. « Big Pharma » ne s’intéresse pas non plus à la guérison en faisant ce choix de traiter les symptômes ; une motivation qui peut se répéter à l’infini. Et malheureusement les patients qui souffrent sont bien obligés d’accepter que l’objectif principal du traitement est de contrôler leurs symptômes.

Il y a de nombreuses études récentes sur les liens intimes qui existent entre les composantes physiques et émotionnelles. En fait elles sont comme des jumelles siamoises collées par la tête et que l’on ne peut séparer. Nous devons concevoir les émotions et sensations clés avec leurs composantes à la fois physiques et émotionnelles pour comprendre qu’il s’agit à l’origine d’un seul et même trauma. Sinon, nous continuons à appliquer un traitement inadapté. Nous ne traitons pas le traumatisme à la source, et c’est pour ca que les symptômes continuent d’apparaître. Nous traitons les dégâts collatéraux sans atteindre la vraie cible. Cette cible bien cachée est comme une source, comme une blessure purulente qui continue de suppurer des symptômes, mais que nous nommons LA maladie. Ce n’est pourtant qu’un symptôme de la maladie : une souffrance terrible subie lorsque nous n’avions pas de mots pour l’exprimer. Mais qui a eu des effets sur notre système immunitaire et qui nous suit tout au long de notre vie.

La vraie maladie est tellement bien séquestrée qu’il est difficile d’imaginer son existence et la souffrance associée gravée dans le cerveau profond. C’est ineffable dans le vrai sens du mot. Les symptômes physiques sont bien plus visibles ; on peut voir une crise d’asthme ou une hypertension artérielle. C’est plus difficile de voir les effets à long terme sur le fœtus lorsqu’une femme enceinte fume ou boit. A la première cigarette, les dégâts commencent. Le fœtus débute sa vie de misère. Cela semble d’autant plus mystérieux que les dégâts peuvent mettre des années avant de se manifester, comme le cancer ou la maladie d’Alzeihmer. Comment faire le lien quarante ou cinquante années plus tard ? Entre temps, le bébé devenu adulte prend de la drogue pour soulager sa souffrance et il devient dépendant. On tente alors de traiter son addiction. Nous en faisons même un acte criminel, nous cherchons à rendre l’accès aux drogues difficile et nous pensons ainsi résoudre le problème. Nous applaudissons ceux qui ne rechutent pas. Mais il se peut qu’ils payent plus tard leur succès par d’autres maladies; la souffrance tapie et cause de l’addiction demeure et continue ses dommages. Ces dommages sont à la fois physiques et émotionnels ; ils sont un.

Les recherches s’intéressent de plus en plus à la relation entre les traumatismes précoces et les maladies ultérieures. Une étude de King’s College à Londres a montré des changements à long terme dans le système immunitaire dus aux traumatismes de l’enfance, aux abus sexuels et émotionnels, à la séparation précoce d’avec les parents et la négligence. Ces évènements peuvent être la cause d’une myriade de maladies. Lors de l’étude de certains bio marqueurs, les chercheurs ont trouvé des niveaux d’inflammations bien au delà de la normale. (Valerie Mondelli, Molecular Psychiatry, June 2015) En mesurant certains marqueurs, ils ont pu « postdire » un traumatisme précoce. Les atteintes physiques précoces, comme une mère enceinte qui fume, peuvent générer toutes sortes de symptômes, à la fois physique comme l’arthrite et émotionnels comme l’addiction. Ces divers symptômes peuvent avoir la même source. Certains vont se mettre à croire à des idées étranges, d’autres vont se droguer, d’autres vont s’adonner aux jeux de hasard, d’autres vont trop travailler, d’autres se mettre à trop manger. Dans tous les cas, ces comportements ont pour but de soulager la souffrance précoce que personne ne voit. Nous percevons les effets mais pas le traumatisme. Trop souvent la souffrance est tellement bien cachée que tout ce que nous voyons c’est une personne tellement fermée qu’elle semble sans émotion, morte émotionnellement.

Et ensuite ? On ouvre des cliniques pour Alcooliques anonymes, des régimes, des centres de self estime, ad nauseum. Et qu’est ce qu’ils traitent ? Les effluves des volcans de souffrance internes. On traite telle ou telle chose ; l’addiction aux jeux ou la boulimie avec des spécialistes pour chaque cas. Et que font ils? Ils tentent de réprimer le comportement, réprimer la souffrance. Ils font le contraire de ce qu’ils devraient faire : la libérer une fois pour toutes. Il faut que nous arrêtions d’ignorer et de réprimer ce qui guérit : les émotions. Pour cela nous devons voyager en arrière dans le temps pour atteindre les profondeurs de l’inconscient, ouvrir les portes de la répression et commencer à ressentir le vrai trauma. C’est notre cible. Alors les effets collatéraux disparaitront. Et comment fait on cela ? Je l’ai expliqué dans mes livres et mon blog. Ca n’est pas si simple et ca nous a pris des dizaines d’années pour comprendre. Mais maintenant nous comprenons les maladies et ce qu’il y a à faire. Pourquoi ? Quand nous aidons un patient à revivre ses traumatismes, nous observons les effets du traumatisme en temps réel. Le patient le revit dans toute son intensité. Par exemple, j’ai déjà parlé d’une patiente qui voulait déménager pour fuir la pollution de la ville, jusqu'à ce qu’elle ressente la source de sa pollution : les cigarettes que sa mère fumait constamment lorsqu’elle était enceinte. Ma patiente ne pouvait rien y faire en tant que bébé. Mais en tant qu’adulte, elle pouvait continuer à déménager pour éviter la pollution. Ses réactions étaient réelles mais son comportement était guidé par une anxiété ancienne. Cette patiente a même rejoint une secte pour apprendre à vivre dans le présent mais en fait, elle continuait à vivre dans le passé. En thérapie ses primals commençaient souvent par « Aidez moi, je suffoque. »


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